Tu
descends les escaliers étroits. Tu pousses la lourde porte indiquée
"Merci de maintenir fermée". Les fumigènes crachent
autant que les Marshall. Tu clignes des yeux au passage des faisceaux
de lumière rouge et bleu. En trois dimensions, tu observes le
batteur, à bout, qui gesticule, le chanteur qui débite, le
guitariste qui joue à la verticale, les gouttes de sueur qui
s'échappent en bouquet. Le public qui bouge tout ce qu'il a de
cheveux longs pour les garçons, teints pour les filles. Ambiance fin
de nuit dans le quartier Yakuin. En applaudissant le dernier morceau de ce premier groupe,
tu regardes la pendule, il est 19h30. Ton voisin porte un tee-shirt
"drunk punk" et un masque sur la bouche pour ne pas
contaminer la minuscule salle de son rhume. Drunk but careful. Tu
vois la scène à travers un brouillard de cloppe. Tu apprécies. La
batteuse s'installe. Elle s'est fait des yeux de panda avec du khôl,
se déchaîne sur le sifflet qu'elle serre entre les lèvres, se lève
régulièrement pour achever sa batterie en scandant des phrases
suraiguës. Tu te dis qu'il y a beaucoup à apprendre des Japonaises
du sous-sol. "Bonjour. Je viens vous parler parce que vous avez
l'air cool." Il a 25 ans, une chemise hawaïenne et un grand
sourire, il aime James Chance et Phoenix. Il conduit des trains. Tu
dis que tu habites près de la gare de Yoshizuka. Il travaille à la
gare de Yoshizuka. Sans lâcher son verre de Shochû transparent,
enveloppé par la disto, la fumée, les bras dansants perdus, il
s'incline profondément deux fois : "Merci d'utiliser la gare de
Yoshizuka". Il vous paie une bière. Tu la bois au comptoir
rouge et lumineux. Tu écoutes. Tu cherches des yeux la pendule pour
savoir quelle heure il est maintenant. Elle a disparu.
dimanche 7 juillet 2013
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