mercredi 24 juillet 2013

Bains


Ta voiture a noué et dénoué les lacets de la montagne. Elle a traversé les forêts de pins et de plumeaux. Tu te gares à l'endroit indiqué sur ton plan. Tu marches d'une pierre à l'autre à travers un jardin. A la réception, tu donnes un billet contre une rondelle de bois que la délicate dame de l'accueil tamponne d'une belle écriture. Elle t'indique : les femmes à droite, les hommes à gauche. Tu fais coulisser la porte. Tu te déshabilles complètement à côté d'une veille femme ridée accroupie à terre. Elle te sourit. Tu places tes vêtements dans un panier d'osier. Face à un robinet, tu t'assois sur le petit tabouret de bois. Tu remplis d'eau la petite bassine devant toi et tu te laves des cheveux aux pieds. Pour te rincer, tu vides encore et encore la bassine sur ta tête. A chaque fois, tu perds encore plus la mémoire. Tu n'entends plus que le chant des grillons. Le premier bain est un grand rectangle de pierre noire. Tu entre dans l'eau chaude. Tu soupires. Tu regardes devant toi par les immenses baies ouvertes : la forêt, une cascade, un torrent. Tu ne sais plus depuis combien de temps tu te dissous dans cette eau. Tu te lèves, tu suis un petit chemin à travers les arbres pour atteindre le bain en plein air. Tu ne penses plus qu'au contact de ta peau avec les rochers et l'eau brûlante, qu'au contact de tes yeux avec tout ce vert. D'autres femmes vont et viennent, s’accroupissent, s'éclaboussent en silence. Quand tu te lèves, ta tête tourne un peu. Tu descends au torrent et tu sautilles vers l'eau glacée. A travers les flots sauvages, ta peau semble fantomatique. Tu fermes les yeux. Tu n'es plus là. Tu bénis les Japonais d'avoir inventé les Onsen. D'avoir fabriqué le meilleur moyen de disparaître.

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