Bien chez soi

Tu jettes un coup d'oeil. Furtif, tu espères. Il est dans le fond de la classe, penché sur un élève. Le coeur qui fait la course, tu regardes ce que ton voisin a écrit et tu copies. Tu t'en rappelles presque à la seconde près, du ventre serré des triches de CM1 pendant les devoirs de numération. Nulle en numération et en conversion. Tu préfèrais les talents de la tête d'ampoule à côté. Juste pour confirmer. Ca doit être ça. Penchée sur le prospectus d'inscription, tu as encore dû embrouiller une virgule. Tu dis tout haut, comme une formule magique qui pourrait tout arranger : une baby-sitter pour une soirée. Tarif d'admission pour avoir des coordonnées de baby-sitters : 10,000 yen donc 100 €. Tu continues en comptant sur tes doigts. Si tu réserves un mois à l'avance, c'est 18 € de l'heure. Si tu commets la folie d'avoir follement envie, le lundi, de te faire un barbecue coréen le vendredi, c'est 20 € de l'heure. Admettons, tranquilles, que tu partes à 19h et que tu rentres à 1h. Tu recomptes en tapotant tes doigts sur la table : 5 x 20 = 100 € + 100 € d'admission = 200 € la petite soirée de babysitting. Tu te demandes si à ce prix-là tu dois lui prévoir un seau à champagne dans le frigo. Tu rappelles Honoka en lui demandant quand elle a fait appel à une baby-sitter pour la dernière fois. Elle te dit il y a trois ans. Parce que dans la culture japonaise, ça ne se fait pas. Tu retapotes des doigts sur la table, en réfléchissant, puis tu la remercies. Elle a raison, finalement, tu attendras une occasion spéciale. Très spéciale.